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Le Danseur

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Message par Ihephe Lun 17 Jan - 0:17

"As-tu déjà dansé avec la mort petit ?"

Ce sont les premiers mots prononcés par le vieil homme depuis qu'il s'était assis autour de son feu.

"Non monsieur. Répondit le jeune homme. A vrai dire , hésita t'il, je n'ai jamais dansé tout court.

— Que fait tu là alors ? Au beau milieu de cette forêt à l'heure où elle appartient aux loups ?"

Un hurlement se fit entendre au loin porté par le vent qui venait de se lever. Le feu crépita doucement dans son foyer de fortune.

"La mort est une excellente danseuse car ses partenaires innombrables, alors dit moi petit, si tu ne sais même pas danser, pourquoi être ici ?" Demanda le vieil homme.

Le jeune homme réfléchissait, c'est vrai ça, que fait il ici déjà ? Pourquoi être seul au milieu de la nuit devant un feu au beau milieu d'une forêt remplie de dangers tous plus mortels les uns que les autres ? Il se souvenait avoir trouvé refuge dans cette clairière, avoir creusé le trou qui contiendrait son feu, cherché du petit bois, et enfin réussir à l'allumer malgré le froid engourdissant progressivement ses membres. Pourquoi tout cela déjà ? La réponse fut toute trouvée :

"Je fuis monsieur.

— Que peux-tu donc fuir ? N'est tu pas plein de fougue et de vigueur comme tout ceux de ton âge ? Le monde n'est-il pas sensé t'appartenir ?" Questionna le vieil homme.

Il s'attarda sur cet étrange vieillard. L'ensemble de son corps était camouflé par un cape de voyage noire. Sa tête, dissimulé en grand partie par la capuche de sa cape, ne laissait entre-apercevoir qu'un visage émacié lorsque le vent se montrait taquin. Seul ses mains étaient véritablement visibles, elles étaient d'une pâleur surnaturelle. Ses doigts, extrêmement fins, semblables à des branchages noueux et sa peau paraissait aussi fine qu'un très vieux parchemin menaçant de tomber en poussière.

"Le monde appartient aux autres, je n'ai ma place nulle part." Soupira l'adolescent.

C'est vrai, que pouvait-il attendre de la vie, lui qui avait été vendu contre une miche de pain la première fois, puis ensuite échangé comme une vulgaire bête de somme.

"N'as tu pas d'amour propre, de valeurs , d'idées à défendre qui valent la peine de se battre ? Rétorqua l'ancien.

— Je ne pense pas monsieur, sinon je n'aurais pas été vendu par mes propres parents puis échangé comme une bête. Si j'avais une quelconque valeur, quelqu'un l'aurait vu et m'aurait gardé." Répondit-il le regard vide.

Le silence se fit, seulement perturbé par le chuchotement du vent dans le feuillage de la foret. La bûche qui servait de combustible craquait de temps à autre lorsque le feu s'attaquait à une partie moins sèche de la bûche.

"Sait tu ce qu'est un diamant mon enfant ?" Questionna soudainement le vieil homme.

L'adolescent hésita un long moment en fixant le feu.

"C'est une pierre précieuse je crois.

— Tout a fait, c'est une pierre si précieuse qu'elle n'appartient qu'aux rois et reines de ce monde. Mais si je te disais que tout le monde a, à un moment donné, eu du diamant entre les mains ?

— Je vous répondrai que vous êtes fou si cette pierre est si précieuse qu'elle n'appartient qu'àux rois."

L'homme éclata d'un rire franc.

"Tu n'as peut-être pas de valeurs selon les autres, mais tu as de l'esprit et de la répartie ! Tu n'est pas si inintéressant que ça. lui dit-il doucement. Voit-tu ce magnifique feu que tu as allumé dans cette clairière, dis moi mon enfant, que restera-t-il de ce feu demain lorsqu'il ne brûlera plus ? Questionna-t-il, un soupçon de taquinerie dans sa voix.

— Du charbon ? Hasarda le jeune homme.

— Exactement, du charbon ! Sache mon enfant, que le diamant n'est rien autre que du charbon ayant subi l'épreuve du temps et de la difficulté."

Il attrapa un morceau de charbon froid dans le foyer du feu.

"C'était un simple morceau de charbon, chauffé dans la chaleur des entrailles du Monde, ayant subi des pressions incommensurable, et le tout depuis âges oubliés de la mémoire des hommes."

Tout en prononçant ces mots, il serra le morceau dans ses doigts, le comprimant, l'écrasant, jusqu'à n'en faire que de la poussière.

"Le feu, les difficultés et le temps. "Enonçât-il en ouvrant la main et en laissant la poussière de charbon s'envoler au vent. Pendant un instant, l'adolescent crut apercevoir des éclats brillant de milles feu dans ce nuage charbonneux. "Maintenant, dit moi, qu'est ce qui te différencie de ceux n'ayant pas vécu ta vie ?

— Ils sont heureux, bien au chaud dans leurs lits et ne discutent pas philosophie avec un vieil homme dans la forêt ?" Répondit l'adolescent du tac au tac.

L'ancien rigola de nouveau.

"Oui, peut être bien. Mais pour moi ce ne sont que des morceaux de charbon sans intérêt, alors que toi, oui toi , tu as tout ce qu'il faut pour devenir du diamant !"lui dit-il en le pointant du doigt "Il ne te manque qu'une raison pour résister au temps.

— Et quel pourrait être cette raison ? Moi qui ne connais rien, qui n'ai jamais rien eu, pour quels raisons me battrais-je ?

— Et bien, si tu ne te bat pas pour toi, bat toi pour les autres, bat toi pour ceux qui n'ont rien et qui ne connaissent rien. " Offrir le vieil homme en guise de réponse.

Le jeune homme réfléchit longuement à ces paroles, pesant le pour et le contre, assimilant cette étonnante rencontre. Doucement, un feu s'allumait dans son âme, doucement une raison de vivre s'insufflait dans sa chair. Un long moment passa sans qu'aucun mots ne soit échangés entre les deux hommes jusqu'à ce que l'adolescent le questionne :

"Pour quel raisons m'avoir dit tout cela, pourquoi m'aider à trouver du sens à ma vie ?"

Le vieil homme le détailla un long moment, semblant chercher quelque chose sur son visage avant de lui sourire tendrement et de lui répondre :

"La mort ne danse qu'avec ceux qui ont déjà dansés, dansés à en perdre la raison, à s'en casser les pieds, ceux qui ont dansés la tête dans les étoiles ou l'ivresse du bonheur. " Il se leva et poursuivit "Pour tous ceux là, il ouvrit grand les bras, cette dernière danse sera belle et pleine de vie, car vois-tu petit, il n'y pas plus vivante et meilleure danseuse que la mort."

Il se mit à valser frénétiquement autour du feu, comme si il avait toujours dansé.

"Pour ceux ne sachant pas danser, elle ne se présente que rarement car la danse est la vie, et comme il faut apprendre à tomber pour pouvoir marcher, il faut apprendre à vivre pour pouvoir mourir."

Il ralentit le tempo de sa valse, de frénétique il devint doux

"Si tu n'as pas de raison de danser, alors danse pour moi, danse de toute ta vie, de tout ton être, de toute ton âme ! "Il s'arrêta devant l'adolescent, le toisant de toute sa hauteur et ouvrit à nouveau les bras." Danse le plus longtemps possible, et je te promets mon enfant, que lorsque ton temps sera venue, je t'offrirai la plus belle et la plus vivante des danses." Termina-t-il face à lui dans une révérence. " Jeune enfant, je suis celui qui danse, et j'espère que notre danse sera merveilleuse."

Il se releva en faisant un mouvement ample de sa cape, projetant une ombre sur le visage de l'adolescent qui fit face au vide et au feu lorsque l'ombre eu disparu.

---------------------------------------------

"Bonjour mon enfant."

Il reconnut cette voix, c'était celle qui avait changée sa vie 70 ans de cela.

"Bonjour Danseur, vient-tu m'accorder cette danse que tu m'as promis ?

— Oui, c'est bien cela, l'heure de ta dernière danse est arrivée." Répondit le vieil homme solennellement.

Ainsi donc c'était vraiment l'heure, pensa le vieil homme alité. D'une voix rauque et sifflante il se lança

" Je pars sans regret Danseur, tu as changé le cours de ma vie ce soir là." L'image de ce feu lui revint en mémoire. "Après ta rencontre, j'ai continué ma route jusqu'à un village où personne ne me connaissais. J'y ai appris le métier de forgeron, j'ai gagné ma vie et lorsque j'ai pu, j'ai acheté une grande maison."

Le vieil homme l'écoutait sans dire un mot, il ne savait pourquoi mais il ressentait le besoin de lui raconter ses aventures.

" Par la suite, j'ai offert un toit à tout les enfants dans le besoin, tout ceux qui ne savaient pas danser et se pensaient dénués de valeurs. Avec ce toit, je leurs ai également offert mes connaissances. J'ai formé ceux qui le souhaitaient au métier de forgeron."

Il repensa à tous ces jeunes à qui il avait transmis son savoir. Certains avaient poursuivi son héritage devenant à leurs tours des maîtres pour des jeunes égarés sur les sentiers de la vie. D'autres étaient devenu des forgerons de renom et étaient demandés à travers tout le pays.

"Par mon métier, j'ai rencontré grand nombres de personnes, de tous horizons et de toutes professions. Ainsi donc, à ceux ne voulant être forgeron, j'ai pu les aider à trouver des maîtres de professions."

Il repensa à Robert, ce menuisier bourru qui possédait pourtant un cœur d'artichaud. George le poissonnier, Michel le boulanger, tant de visages qui lui revenait en mémoire.

"Rapidement, nombre de personnes recherchant des apprentis sont venus s'installer dans mon village apportant ainsi connaissances et expériences. D'abord voisins, puis collaborateurs, ils sont au fil du temps devenue des compagnons de danse. Ils ont à leurs tour pris des jeunes sous leurs ailes, leurs offrants toits et connaissances. "

Il se souvenait de la première fois qu'un de ces confrères lui avait annoncé qu'il avait décidé de faire comme lui, jamais son cœur n'avais battu si fort dans sa poitrine.

"Par la force de notre nombre, nous avons pu engager des précepteurs qui ont pris le relai sur toutes les choses que nous savions pas. Rapidement, les gens du coin nous ont appelé " les compagnons" , puis ce nom c'est diffusé et des gens de tout le pays sont venus nous trouver pour nous confier leurs enfants afin qu'ils aient un avenir meilleur. Ce ne fut pas facile tout les jours, mais nous n'avons jamais abandonné et nous avons appris à de nombreux enfants à danser la vie.

— As-tu fondé une famille ? As-tu eu des enfants ?" Questionna le danseur.

Le vieil homme alité rigola doucement avant d'être interrompu par une quinte de toux. Il la laissa passer et reprit.

"Ma famille sont les compagnons, et tous les enfants passés sous notre toit sont mes enfants. Ils sont mon héritage à ce monde." Un grand sourire éclairait son visage.

" Je vois." Le danseur acquiesça puis se leva. Il épousseta sa tunique avant de tendre sa main vers le vieil homme.

"Il est l'heure Compagnon." Lui dit il doucement.

Il regarda longuement cette main tendue, se remémorant une dernière fois sa vie passée avant de finalement lever sa main et de la poser par dessus celle du danseur.

"Alors dansons" Acquiesça t il avec un sourire.

Le danseur l'attira à lui, et le positionna pour une valse. Il se sentait si léger d'un coup, comme si le poids des années ne le ralentissait plus. Il osa un regard derrière lui et se vit sur son lit, toujours allongé, sa peau était beaucoup plus pâle que ce qu'il lui semblait. Son visage était détendu et un sourire ornait ses lèvres. Il se retourna vers son partenaire de valse, croisa son regard et acquiesça d'un hochement de tête. Il était prêt.

***
Pour ceux qui ne le savent pas, je sors d'un séjour de 3 jours en HP parce que j'ai voulu planter ma voiture dans une ligne droite. J'étais constamment fatigué, constamment sur la brèche. Toujours continuer d'avancer, toujours continuer de courir, frénétiquement. Pour ne pas me retrouver seul face à moi-même. Pour ne pas me retrouver face à l'effroi que me provoque l'avenir. Pour ne pas être cajoler par mes démons.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas écrit quoique ce soit, je pensais avoir perdu ce talent. Et c'est en écrivant à nouveau que j'ai compris pourquoi je courrais sans cesse, c'est en écrivant ce texte que j'ai pu faire le premier pas pour me libérer de ma spirale. Alors je suis toujours bon pour une thérapie parce que je ne vais pas me libérer du poids de mon passé comme ça, mais c'est encourageant, je me sens prêt à avancer à nouveau, et de la bonne façon cette fois.
Je tire une leçon de vie de cela, et j'aimerais la transmettre par cet adage :
N'ayez pas peur de faire une pause si vous ne savez plus pour quoi vous avancez.
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Message par Albynn Jeu 16 Mar - 14:43

Le Danseur 1f49c
Merci tritri
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Localisation : Devant mon ordi! T'as cru quoi?

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